samedi 6 novembre 2010

#240 – Radiation

Il marche. Il avance contre vents et marées, contre la mémoire de sa naissance et contre les 807 signes de sa mort. Il va de l’avant et pénètre toujours plus profondément la matière compacte de la foule. C’est un lutteur, un combattant, un résistant de la première horreur, un fanal dépenaillé pour ses semblables égarés comme lui sur l’arête blessante du monde. Sa voix voudrait convaincre la multitude inquiète qui crie des paroles crues, des slogans rouge sang.


Flash. Le soleil de magnésium grille les révoltes. Après le grand souffle brûlant, des silhouettes noires restent plaquées sur le sol irradié.


Il avance seul, maintenant. Son corps filtre la lumière qui le traverse ne laissant passer que des particules de suie. Cela lui donne une ombre dense, épaisse, grumeleuse tant la lumière est faible. La surface de son ombre est pelliculeuse et desquame quand la pluie bleu cobalt crépite sur le sol cramé. Sa voix est sans écho maintenant. Il avance plus lentement. Les rayons trop vifs carbonisent ses cellules de chair. Son ombre s’alourdit au fil de la journée. Elle devient de plus en plus pénible à tirer. Il fait très attention à elle mais, parfois, par maladresse, il piétine sa flaque grasse, s’en met plein les chaussures et laisse la trace brillante de ses pas sur les trottoirs de la ville schématique.

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