samedi 25 décembre 2010

#289 – Joyeux Noël

Que faites-vous sur ce blog alors que vous avez encore 807 cadeaux à ouvrir ?


Je suspends la publication jusqu'à l'année prochaine, vous m'avez l'air bien occupé, et cela me donnera le temps de réfléchir si ce blog continue après le 19 janvier 2011.


Enfin, je vous souhaite un joyeux Noël et mes meilleurs vœux – qu'ils soient avouables ou pas – pour la nouvelle année.

vendredi 24 décembre 2010

#288 – Digitales

Souviens-toi de ce que je ne t’ai pas encore fait. Murmure-moi que tu t’en rappelleras, même si la mémoire s’efface, le sentiment subsistera, flottant et nous enveloppera comme un rêve, engluant nos facultés de bouger. Au-delà du vent, même dans la fatigue de novembre qui grignote, ce qui reste, c’est nous.


Souviens-toi qu’il y en avait de toutes sortes, elles s’étalaient du langoureux au griffu, leur pression jouait aussi, on s’en enveloppait de façon éphémère car elles scellaient notre pacte.


Sans intermittence les liens se dénouaient, les chairs se scarifiaient, l’avenir avait mauvais goût, on les tentaient paumes ouvertes dans la pénombre d’un crépuscule frissonnant, les osait dans des lieux peu fréquentables, elles nous marquaient sans laisser de traces. Difficile de convoquer les mots : les décrire devenaient plus difficile que de traverser le désert de Gobi sans eau ; les nommer était plus paralysant que d’errer en Antarctique nus-pieds ; les invoquer plus casse-tête que de reprogrammer le Big Bang. Ceux qui les fuyaient avaient la peau craquante des lézards. Elles cautérisaient les tatouages encore chauds... on ne s’en vantait pas, les confessait parfois à mi-voix. On conservait leur réalité loin après leurs apparitions. Elles nous cernaient, parlants d'immanence et de la douceur d'être réunis, elles nous rassemblaient et nichaient les têtes au chaud dans les épaules, au chaud. On n’en n’avait jamais assez et nos désirs d'elles subsisteront après 807 oublis. On n’en pouvait plus d'elles.

jeudi 23 décembre 2010

#287 – Affections

J’avais mal, mais ça m’occupait. Et je n’étais pas fâchée d’avoir à me battre contre moi-même, de m’intéresser un peu à moi. C’est l’avantage des affections, elles charpentent la personne. En même temps, c’est trompeur, il y a le moment où ça se calme.


Il souhaita mourir au moins 807 fois dans la nuit, pour punir sa maîtresse de lui avoir posé un affreux lapin. Or, déjà il se sentait mieux. Il se rendormit avec le regret de n’être pas assez malade pour mériter son attention.


Il avait mis sa maladie au centre de son existence. Ce fallacieux prétexte lui permettait d’entretenir sa paresse et de tromper ceux de son entourage. Mais qui trompait-il ? Personne n’était dupe et surtout pas lui.

mercredi 22 décembre 2010

#286 – Vanité

C’était une veuve boiteuse mais pas vilaine. Plus de 807 hommes l’avaient culbutée, les uns après les autres, sur les tas de foin.


Depuis vingt ans, elle initiait tous les gosses du pays. Elle les regardait pousser, attendait avec patience leur maturité. Quand leur menton commençait à s’ombrer, quand leur cœur commençait à battre trop fort, en un tournemain elle les délivrait de l’enfance, éclaircissait leur sang et leurs rêves. Son plaisir était presque devenu une fonction municipale.


Elle avait acquis, par son expérience amoureuse, une sorte de renommée et en était quelque peu vaniteuse. C’est ce qui la perdit. Un puceau qui avait passé le moment depuis longtemps lui résista. Elle ne s’en remit pas. On la trouva un jeudi au fond d’un puits.

mardi 21 décembre 2010

#285 – Écrivez si m’en croyez !

Chaque nuit, aux environs de trois heures, c’était la même chose : ce réveil brutal, les doigts qui tremblent et la bouche sèche... Et ce vague sentiment d’inquiétude... Ce cauchemar... Toujours le même... Terrible !...


Il entrait dans son bureau, allumait l’ordinateur. Il fallait vérifier. Ce serait vraiment trop con !... Quand il avait envoyé les mails tout à l’heure... l’un à Garot, l’autre à Poiraudeau... L’impression qu’il s’était mélangé les pinceaux... envoyé au convoi des glossolales ce qu’il avait prévu pour les 807...


Le temps de respirer profond pour se calmer... de s’habituer à la demi-pénombre… toujours la lumière du couloir qui filtrait sous la porte... comme quand il était gosse... reconnaître le fauteuil qu’il avait eu le droit d’amener de chez lui... la commode que fournissait l’établissement... la télé qui était là d’office et vous aviez beau dire que vous... lentement comprendre... se réinscrire dans le temps... les médicaments sur la table de nuit… les couvertures marquées du nom de la maison de retraite… et sourire amer aux lèvres se dire que belle lurette qu’ils n’existent plus ces deux blogs !...

lundi 20 décembre 2010

#284 – Mortel été

À un moment donné, le printemps arrivait. Les maisons se secouaient de leur somnolence, des explosions de glycines dévalaient les murs en meulière, le goudron se couvrait de parcours à la craie où ciel et terre se rapprochaient. Le soir, on s’asseyait aux seuils des portes pour regarder le ciel s’assombrir. Les enfants jouaient jusqu’à ce que la nuit les écrase de fatigue.


Arriva l’été. Une vague de chaleur balaya la ville, insoutenable. Une chaleur épaisse comme un nuage de feu brusquant tout sur son passage. Au début, on arpenta les nuits à travers la ville, guettant la fraîcheur des parcs, l’eau des fontaines. Le goudron s’enfonça sous nos pas, chaque heure devint plus chaude. Dans les maisons, on étendit du linge mouillé aux fenêtres pour humidifier l’air. Rien n’y fit. Une chape suffocante se répandait d’une pièce à l’autre. Les jours passèrent au gré des pics de chaleur, une onde de choc jusqu’aux confins de l’Europe. La mer, même, n’y suffit plus. Elle charria des poissons crevés sur le rivage, ventres retournés, dégageant une odeur pourrie. Il fallut chercher ailleurs, dans les forêts d’altitude qui finirent aussi par s’enflammer. Puis la nouvelle arriva, on l’entendit à la radio un matin, elle circula toute la journée jusqu’au soir. On commençait à compter les cadavres. Des nuits tuèrent d’autant plus que le vent s’était tari dans la journée. Les hôpitaux donnèrent l’alerte, les urgences débordaient. Ce fut trop. Alors, on entassa les corps violacés dans des hangars réfrigérés.


L’automne s’annonçait. On inhuma les 807 dépouilles abandonnées sous un ciel de lin.

dimanche 19 décembre 2010

#283 – La petite fille

Lorsque la petite fille était petite fille, elle s’asseyait sur un rocher au bord de la mer et attendait que la marée monte pour voir si les vagues allaient l’engloutir.
Lorsque la petite fille était petite fille, elle aimait recompter les 807 roses aux couleurs fanées du papier peint de sa grand-mère.
Lorsque la petite fille était petite fille, elle voulait faire le tour du monde.
Lorsque la petite fille était petite fille, elle ne savait pas qu’on avait le droit d’être mauvaise élève.
Lorsque la petite fille était petite fille, elle n’avait peur de rien.


Puis vinrent les Ailes du désir et le premier amant.


Tu te souviens des sachets de bonbecs qu'on avait pour 1 franc ?

samedi 18 décembre 2010

#282 – Guerre

C’est un peuple errant regroupé sous des toiles de fortune, les poings sur les oreilles tandis que les pales de 807 hélicos hachent le soleil. Éclats de boule de bal, mire et miroir sur les vivants et les morts.


C’est un enfant noirci de coups, les yeux blancs d’obscurité. Papa, maman, mon amour... C’est son corps traîné par un pied, ventre gonflé parcouru de veines trop bleues, des cheveux d’algues et une plaie blanche à la cuisse. C’est ce chien dévorant les ventres putrides, le mufle enfoui dans les entrailles vertes. Rafale dans la rue rectiligne, des ombres saignent sous le soleil glacé. Lambeaux pourpres noirci sur leurs bords par le feu des obus, caillots panés de poussière éclatant sous les pas. Papa, maman... C’est cette porte tambourinée au petit matin sale et cet homme derrière, à la bouche un pli amer et des croûtes de sommeil au bord des paupières.


C’est ce cri à peine audible, ce silence imprimé qu’on caresse comme une enluminure. Cette image sans regard qui s’agite dans le nôtre sous son encre noire. C’est notre amour qui ne change rien à tout ça en faisant plus de bruit que ces cris, ces agonies. C’est notre silence qui vous torture et vous tue. Ma mère, mon père, mes frères, mes sœurs, mon amour...

vendredi 17 décembre 2010

#281 – It’s Christmas time

Les boules, les boules, les boules. Et sur la grande place, le sapin gigantesque, presque aussi haut qu’un building ‘ricain de 807 étages.


Les employés municipaux qui piétinent dans des flaques de neige grise en soufflant de la fumée blanche. La grue en panne et le maire qui gueule « mais qu’est-ce que c’est que ce bordel !? ».


La magie de Noël qui reste coincée sous les ongles comme de la poussière qu’on gratte au fond d’une poche.

jeudi 16 décembre 2010

#280 – C'est pas de la balle

Oscar – Faisons le point : Mon rapport, rédigé sur les chapeaux de roue, je l’ai mis dans le pipe, sa conclusion est qu’il faut acheter au son du canon et vendre au son du clairon. Et pour la suite de la réunion, tu me mets dans la boucle ?


Carine – Oh là là, il ne tourne pas rond, celui-là, n’a toujours pas compris qu’on ne voulait plus de lui dans la ronde ? Il me court sur le haricot à force de rouler les mécaniques. Y me fout les boules. Ras le bol. On va lui en faire baver 807 ronds de citron.


Oscar (en voix off) – Comme l’impression que l’ambiance tourne vinaigre. J’en reste comme deux ronds de flan.

mercredi 15 décembre 2010

#279 – L’intransigeance des mathématiques

Le comptage d’Éric Chevillard l’avait tellement interpellé qu’il finit par ne plus penser qu’à cela. Aussi, pour en avoir le cœur net, un samedi matin, il décida de compter les brins d’herbe du petit carré de pelouse autour de sa boîte à lettres. Il s’arma de sa meilleure paire de lunettes, d’un carnet et d’un stylo pour noter les dizaines, et se mit à l’ouvrage.


403 ! Ce n’était pas possible ! Aussi peu ! Il devait s’être trompé quelque part. Il décida donc de recommencer son décompte, en mettant cette fois toutes les ressources de son esprit hautement analytique au service de sa recherche. Il alla chercher la loupe de philatéliste de feu son père, ainsi qu’une fine paire de ciseaux à couture pour couper les brindilles déjà recensées. Pas une de plus, pas une de moins : 403 !


– Que fais-tu donc les fesses en l’air devant la boîte à lettres ?
– J’essaye de vérifier la Théorie du Chevillard sur les 807 brins d’herbe.
– Et alors ?
– Impossible ! Je n’en compte que 403. Et pourtant, je les ai comptés deux fois...
– Deux fois 403, ça fait 806. Tu n’es pas loin du compte.
– Il en manque un !
– Compte le pilier de la boîte à lettres en plus et tu seras juste.

mardi 14 décembre 2010

#278 – Commerce équitable

Une connaissance rencontrée dans la rue, pas vue depuis longtemps, me demande ce que je deviens. Drôle de question, ne le voit-elle pas ? Je laisse la vie s’accumuler patiemment, s’épaissir. Il est clair que dans le monde de la compétition ma vie n’est pas ce qui s’appelle une réussite. Ce que je deviens ? Une femme allant sur ses cinquante ans, fixée, solidement fixée. Le reste de ma biographie se perd dans une aventure plus vaste, et toi ?


Elle n’a pas compris, a pris peur – la peur est un commerce équitable : elle tourne, se retourne, passe de l’un à l’autre, change de signe sans distinction de genre. On finit toujours par avoir son tour. La peur ne se farde ni ne se maquille. Elle vous tombe dessus, découvre les conséquences et les incidences, les lignes de force, le dessous des cartes, l’envers du décor et les doubles fonds.


Je n’envie pas cette femme qui a pourtant réussi, comme on dit. Et elle, constate, dépitée, que je n’ai pas fait mon chemin, comme on dit. C’est la vie. Plus de 807 femmes l’ont déjà dit, c'est la vie.

lundi 13 décembre 2010

#277 – Improbablogus senis rosae

L'improbabilité de compter 807 brins d'herbe est d'une évidence qui n'est pas sans faire oublier celle de l'existence des 807 lecteurs qui croiraient à ce décompte en faisant de leur croyance un blog, puis un autre, année après année.


vieux célibataire,
un jour on dira de toi :
« le vieux grabataire »


Quiconque aura le privilège d'habiller Cornaline découvrira le véritable sens du mot « assorti » : rose.

dimanche 12 décembre 2010

#276 – Félin, défait l’autre

Les 807 brûlures de cigarettes qu’on venait de lui infliger lui donnait l’allure d’un homme panthère.


Aussi dans sa douleur ne se lassait-il pas de rugir et de fendre l’air, mimant de furieux coups de pattes.


Plus troublant, c’est à la vue d’un bain que l’on faisait couler dans la pièce d’à côté qu’il retrouva soudain mémoire et usage de la parole.

samedi 11 décembre 2010

#275 – Prophétie

Et le nombre sacré apparaîtra en toute chose, en tout lieu et à tout instant.


Et le nombre 807 nous débarrassera de l'inconscient.


Et le monde redeviendra comme au commencement.

vendredi 10 décembre 2010

#274 – Haine

Parce qu’il n’en connaissait pas d’autre, il jugeait que la haine était le meilleur carburant pour démarrer au réveil, l’essence sans laquelle il n’aurait pu se mouvoir. Il aurait voulu passer en revue le monde entier s’il n’avait été limité par l’espace du temps d’un jour.


J’avais du mal à voir une millionnaire atrabilaire sous les 807 traits angéliques de cette petite grand-mère, cintrée dans son tailleur sans âge.


Elle n’aimait pas accabler son mari : elle sentait bien qu’elle avait sa part de responsabilité dans son échec, ce qui ne l’empêchait pas par moments d’avoir des bouffées de haine à son égard, secrètement bien sûr. Et, souvent la nuit elle se réveillait avec ce corps étranger à côté d’elle, elle le haïssait alors jusqu’au matin.

jeudi 9 décembre 2010

#273 – Photographie

Une rue de Montmartre. Une rue balayée au vent mauvais par un homme vert et noir au sourire blanc. Les pieds dans le caniveau, il vous regarde passer. Vous le saluez sans oser entamer la conversation de peur de réveiller sa nostalgie et de savoir comment il vit, loin des siens et dans quelle misère… Vous marchez ensuite vers l’autre rive alors que le ciel menace. Sur le boulevard St Michel, vous croisez le sourire d’une belle qui fuit vers le jardin du Luxembourg sous son parapluie tout luisant de paradis. Souvenir d’une autre... C’était hier votre vie. Hier était la ville, hier était l’amour. Qu’est devenue celle qui vous tenait le bras sur le quai Malaquais, tandis que gonflaient les bourgeons de mai ? Toujours, toujours... Vous hâtez le pas, soudain pressé de rentrer chez vous et de la retrouver. Ombre parmi les ombres du passé.


Sur cette photographie d’elle prise par vous, elle sourit adossée à un mur marqué encore par 807 impacts de balles de la libération de Paris. Vous aviez pris du temps pour prendre ce cliché. C’était bien avant les appareils numériques. Elle était patiente mais un peu agacée. Tandis que vous brandissiez votre cellule sous son nez pour mesurez la lumière, son sourire s’éteignait. Il revint lorsque vous avez braqué sur elle votre objectif mais ce n’était qu’un sourire de politesse pour ceux qui retrouveraient la photo en fouillant dans une vieille malle oubliée des vivants. Un sourire triste qui vous disait adieu. Vous découvrez en examinant attentivement ce cliché que son regard passe au dessus de vous sans vous voir.


Par la fenêtre vous observez la rue mouillée qui luit sous les néons. L’homme vert reviendra demain. Son balai à la main, il s’arrêtera un instant pour répondre à votre salut et vous sourire. Vous continuerez votre chemin le cœur un peu plus léger.

mercredi 8 décembre 2010

#272 – La Nominaliste

Oui, il est bien sûr que sans cette maudite passion de se taire, rien de tout cela ne serait arrivé...


Sang impur caillé en l’air, toujours ma langue demeura-t-elle captive sous un bloc de marbre me gisant à la place du cœur...


Cette vie que j’ai prise, et qui palpite encore au bord de mes lèvres, ne comprenez-vous pas que c’est le don de la mienne que je vous fais...

mardi 7 décembre 2010

#271 – Triptyque en forme de pomme

Refermons le dossier Erik Satie, voulez-vous ?


On peut louer ou pas le génie du compositeur : les mélomanes l'adorent alors que les professionels l'ignorent ; on peut aussi parler de sa folie : tout le monde s'accorde sur ce point, il n'était pas net le bougre, voyez les titres de ses œuvres, les annotations sur ses partitions, etc. ; et cette douce folie s'accompagnait de son inclinaison à toujours trop en faire. Prenons sa composition Vexations. Il indique que ce morceau doit être joué 840 fois. Alors que 807 auraient amplement suffi.


Sa ville natale, pas rancunière pour un sou, a créé un musée en l'honneur de l'enfant du pays alors que ce dernier a baptisé une œuvre Trois morceaux en forme de poire. Que je sache, le Calvados est le pays de la pomme !

lundi 6 décembre 2010

#270 – Complément à l'œuvre de Jean Prod'hom

(retrouvez l'œuvre de Jean Prod'hom ici)
Yamamoto Kidémahapa se détacha à regret de l'amas de corps nus et contempla la petite douzaine de 69 exquis qu'ils traçaient sur la moquette. Quelques visages d'éphèbes aux yeux chirurgicalement débridés se retournèrent vers lui. Une bouche lascive se haussa jusqu'à son entrejambe, des mains se posèrent sur ses fesses, des sexes se proposèrent, mais il les écarta gentiment. Il était l'heure.


Un million de personnes habitaient le complexe, mais à quatre heures du matin, les couloirs étaient heureusement déserts. L'ascenseur arriva, avec un murmure feutré de limousine. Il demanda le dernier étage et se laissa tomber sur le sofa. Une tablette sortit de la paroi à sa droite, porteuse d'un espresso sucré exactement à son goût et de son croissant préféré, sésame, miel et amandes. Il en était à la serviette chaude quand la douce voix synthétique susurra : « Vous arrivez au 807e étage, Yamamoto Kidémahapa san, excellente journée, bon conseil d'administration ».


Les oiseaux de mer tournoyaient au dessus de l'aire de départ des parachutes. Il s'envola avec eux. Contrairement à tes prévisions, ami lecteur, sa Suzuki démarra à la première pression du kick. Ne pas toujours croire à l'onomastique.

dimanche 5 décembre 2010

#269 – Addiction

Il tourne et tourne encore dans le dédale des rues désertes de cette banlieue minable, même son GPS semble perdu et ne trouve pas la ZUP des Prairies Vertes. Il arrête sa voiture, coupe le moteur et se prend la tête entre les mains. Comment en est-il arrivé là ? Comment arrive-t-on à cinquante ans en ayant foutu toute sa vie en l'air ? Elle n'était pourtant pas si mal sa vie, quand il y pense. Il éclate en sanglots, là, seul dans sa BM et dans la nuit. Pas une lueur, les nuages ont caché le faible clair de lune.


Il se calme un peu. Attrape dans la boîte à gants ses cachets et en avale deux, d'un seul coup, sans eau. Ça lui arrache la gorge et lui laisse un goût dégueulasse dans la bouche. Mais au bout d'un quart d'heure, il se sent suffisamment calme pour reprendre la route et trouver la salle communale où se tient la réunion. Sa dernière chance. Jusqu'ici rien n'a marché. Le dernier psy qu'il a vu l'a fichu à la porte en lui donnant l'adresse de cette association. Il roule prudemment, abruti par les cachets qui commencent à faire leur effet et aperçoit enfin une lueur au loin. C'est bien là, au 807 allée des chênes. Il se gare. Le trac monte malgré les molécules chimiques.


Il ouvre la porte du local. Les autres sont déjà arrivés, assis en cercle sur des chaises en plastique, et le regardent entrer. Celui qui doit être l'animateur l'accueille d'un sourire, lui désigne une chaise vide et l'invite à se présenter avant de s'asseoir.
– Bonjour, je m'appelle Éric et je suis huitcentseptophilique.

samedi 4 décembre 2010

#268 – Brutalités génitales

Il écoulait là des jours sereins
Et n’y connaissait aucune alarme,
Ignorant tout des lointains vacarmes
Dans l’intimité du doux écrin.


Un jour pourtant des coups menaçants
Eurent sur lui l'effet d'un réveil
Et des trépidations sans pareilles
En ébranlèrent son fondement.
Se montrant craintif au grand portail,
Il dut esquiver le flot livide
Des 807 spermatozoïdes
Venant de forcer le soupirail !


Ce fut au fond de la cavité
Qu’on les vit s’écraser pitoyables,
Et l’on entendait l’écho durable
De l’ovule fou d’hilarité.

vendredi 3 décembre 2010

#267 – Gnossienne n°807

Cette partition de Satie, je la tiens de ma grand-mère Marthe, qui elle-même l'a trouvée dans la paperasse de sa grand-tante Gilberte à sa mort. Tu sais mon garçon, me raconta un jour Mamie, Tatie a connu le musicien après sa séparation avec « sa Biqui » que Tatie appelait plus volontiers « la Valadon » ou « la pute ». Satie vivait dans une misère qui avait ému Tatie. Elle lui lavait son linge et lui préparait des repas afin qu'il ne dépérisse pas. Elle n'a jamais voulu nous dire si sa relation avec lui s'arrêtait aux tâches ménagères, on ne parlait pas de ces choses-là. Quoi qu'il en soit, il lui a écrit ce morceau pour la remercier. Mamie m'a confié la partition, une Gnossienne, car je suis le seul musicien de la famille. Jusqu'à aujourd'hui, elle est restée inédite.


On peut regretter que Satie n'ait pas retravaillé cette Gnossienne pour lui donner le même éclat qu'aux autres. D'après la date reportée sur le document, elle a été composée en juin 1893. Elle aurait pu être la 4e Gnossienne. D'autant qu'elle reprend les sonorités du triptyque, ses thèmes, ses accords. Autre point, elle commence avec un si bémol, suite logique après les fa, sol et la des précédentes pièces. Enfin, on retrouve l'accompagnement caractéristique des trois premières Gnossiennes (ronde, blanche, noire), avant l'introduction de la croche dans la 4e Gnossienne officielle. Elle ne sera cependant pas la 4e, les spécialistes dénombrant déjà 6, voire 7 Gnossiennes si on compte la pièce extraite du Fils des Étoiles. Alors, celle-ci serait-elle la 8e, ou la 7e ?


Pour moi, pour toi lecteur, pour toi auditeur, elle sera la Gnossienne n° 807.

jeudi 2 décembre 2010

#266 – À fleur d'eau

...Alors pour me rafraîchir, je me plonge dans mes souvenirs : je revois mon ascension dans les Pyrénées, non loin du mont Vallier. Nous étions partis à l'aube et avions gravi la montagne dans un paysage embrumé qui me rappelait curieusement la forêt de Brocéliande, alors que je n'y suis jamais allée. Tout le long du cheminement, nous entendions le cours d'un torrent qui, bien que tout proche, se dérobait à la vue dans des méandres de brouillard.


Arrivés à proximité du sommet, nous avons débouché sur un lac alimenté directement par des névés, paré d'un bel arc-en-ciel. Après cette ascension – de 807 mètres de dénivelé – qui nous avait donné des suées, je n'ai pas hésité à me déshabiller pour aller me glisser dans cette eau extrêmement froide.


J'ai fait trois brasses, puis suis remontée me sécher. Comme moi, deux autres personnes avaient fait cette courte baignade : l'eau était tellement glacée... il lui manquait à peine quelques degrés en moins pour qu'elle ne se raidisse et que sa surface ne change d'apparence et d'existence... autrement dit d'état. On ne pouvait donc s'y attarder. D'ailleurs nos guides ne s'y étaient pas aventurés et nous regardaient avec des yeux éberlués nous tremper dans cette eau si froide. Sans m'en rendre compte, en me baignant, je m'étais blessée en heurtant ma malléole contre un rocher. Ce n'est qu'une fois sortie de l'eau, que je me suis aperçue, en la massant machinalement, que j'en avais « deux » l'une contre l'autre ! La froidure du lac avait anesthésié ma douleur, l'air l'avait réveillée. Ce bain express m'avait redonné chaud, une fois que j'étais sortie de l'eau. J'avais l'impression exquise d'être devenue une feuille, pour le coup, j'avais perdu tout relief, j'étais parfaitement lisse contrairement aux autres randonneurs qui, eux, avaient gardé toutes leurs épaisseurs... Le ciel était dégagé et le soleil enfin brillait.

mercredi 1 décembre 2010

#265 – Préface de l’hiver

Je déteste ce temps gris de novembre où la pluie paraît hésiter au fond du ciel, se fait attendre. Je préfère les silences bleus chargés de cris d’oiseaux qui se forment, au-dessus des maisons solitaires, les nuits d’hiver. À l’entre-deux, à l’automne, on ne voit que des bandes à plumes errer de branche en branche, alourdies par l’eau, tristes et maigres. Je cherche en vain l’alouette qui chante en volant, force la voix plus elle s’élève.


Le temps postillonne, ne veut pas de ma joie. La pluie tombe, inutile, monotone. Le mot seul trempe déjà le papier. La phrase reste en suspens, molle comme une serpillère au bord du seau, attend le vent pour qu’il essore un passé pas simple, laissant des auréoles dans la marge d’un présent qui gribouille.


Je préfère m’envoler. 807 pensées ronronnent, il fait un temps à murmurer des poèmes. Laissons le reste aux loquaces qui toujours nous plumeront.