jeudi 30 juin 2011

Tragédie

Dans le carnet du docteur Amidou, la mort d’un petit Malien : n° 807 qui n’a pu être sauvé, faute de moyens. Même pas le nom de l’enfant en face du terrible numéro. Comme s’il lui était pénible de l’écrire.


Aussi longtemps qu’il sera en vie, il y aura toujours une histoire qu’il ne connaissait pas. À chaque fois il pense avoir fait le tour et puis non, il y aura toujours quelqu’un pour venir lui raconter encore un autre drame, une autre horreur. Aujourd’hui, à l’heure du déjeuner, c’est sur la devanture du resto où il a l’habitude de prendre ses repas qu’il peut lire : « Fermé cause décès ». Le patron, c’était presque un ami. Trois mots pour résumer un drame. Trois mots griffonnés à la hâte pour une existence brutalement achevée. Et la vie qui continue. Ailleurs.

mercredi 29 juin 2011

Un but, hein...

Ô buse, je te compte la denture de celui qui étrilla proie et sur la bleue passa en luttant pour survivre. Celui que tu ramènes ce jour à ton port, le plus vif de l'équipage et toujours dans le vent, celui-là c'est bien moi. J'ai la chance d'avoir encore toutes mes dents, et une spécialement contre toi. T'es le seul à avoir reçu de Grosses-joues une jarre en cadeau, cachant sûrement un trésor de roi. Je convaincs facilement les copains que, jusqu'à maintenant, le seul à tirer son épingle du jeu, c'est toi. Le fracas de la jalousie se mélange à la rengaine des vaguelettes. On avance lentement, quand derrière la mer d'huile, apparaissent les collines familières. Ô temps suspens ton vent, on touche enfin au but. Tu te frottes les yeux, tu meurs de fatigue, dors enfin... On pousse des soupirs soulagés, on te pique la jarre, on pète de joie. Un bouchon de cire la scelle. Je le mords, il craquelle, à l'intérieur un souffle incroyablement puissant... Une multitude de forces invisibles s'échappent de la jarre, faisant exploser mes canines sous la pression... Des entités infernales fusent jusqu'au soleil et dévastent l'océan... Sur le pont, nous tremblons à l'unisson. Comment j'aurais pu deviner ce que contenait cette satanée jarre ? Onze bourrasques à la puissance 2, sept siroccos à la puissance 3 auxquels s'ajoutent sept zéphyrs au cube. Décompressés autant qu'acharnés à nous égarer, ce sont 807 vents qui se barrent ! Et fondent en un éclair sur notre coque de noix. Où nous déroutent-ils ? Souffle court, désolé, tu contemples la côte qui disparaît sans qu'on ne puisse rien y faire. Dégoûté, sans un pet de butin, je crache mes si belles dents sur le pont mouillé. Quelque chose me dit qu'on n'a pas fini de ramer... Hasta la vista, ton foyer. Ô l'adieu fait à mon dentier.


mardi 28 juin 2011

Une ombre sur sa vie

Il redresse le parasol, voilà, juste comme il faut, pour que l’ombre retombe bien au-delà de ses genoux repliés, attention au soleil mon papounet chéri, a-t-elle dit en l’embrassant suavement sur l’oreille, ce qui lui a donné le grand frisson, pas qu’il devienne pervers, mais parce qu’elle vient de se baigner pour la troisième fois et que la ficelle de son bikini saturée d’eau glacée lui dégouline dans le cou, mais non pas glacée, t’es dingue, je t’assure qu’elle est trop bonne quand on s’est habitué, tu viens, allez viens, pourquoi tu viens pas, pourquoi tu te baignes jamais, ben moi j’y retourne, Victor m’apprend le surf, et elle part avec un grand démarrage/dérapage en côte pédalé dans la choucroute de terre coagulée qui marque la place où hier elle a bâti puis démoli un château, il regarde ses petites plantes de pied toutes blanches au milieu de tout ce doré qui moulinent, essayant de rattraper les petites fesses rondes battues par le volant rose du bikini, des pustules de sable mouillé giclent vers lui, eh dis donc, fais un peu attention, minette, et il rabat contre sa poitrine son note-book pour le protéger, puis il remonte ses lunettes de soleil d’un cran sur son nez, la mer scintille là-bas bleu cobalt, la terre entière en caleçon à fleurs s'est rassemblée là-bas, saute et rit dans les vagues, il secoue le bidon de crème solaire HP 50 écran total pour en récupérer la dernière goutte, il fouille dans le panier, en trouve et en entame un autre, il soupire encore une fois, tu parles d’une idée de taré, d’une vie de frustration, emmener des gosses à la plage quand on est albinos.


Ping, dit gaiement le seul note-book de la plage qu’on n’a pas laissé tout seul au fond du sac. Ping, ping, ping, allez, fais pas la tête, 807 mails dans l’in-box.

lundi 27 juin 2011

Tomber 807 fois, se relever 807 fois ça suffit

Il vient un jour merveilleux, dans la vie de tout père, où tu parviens, du premier coup, à monter le lit-parapluie.


Je demande à Cornaline le nouveau mot de passe administrateur qu'elle vient de changer sur le PC.
– Atata ta, ta !
– Non ma chérie... ça ne marche pas... Majuscules ? Minuscules ? Tu te souviens ?
– Ta ! Ta, ta ! Ata ata !
Et elle s'en va de son nouveau pas de deux, excédée par mon incompétente incompréhension, mains en avant vers d'autres ordinateurs à pirater.

dimanche 26 juin 2011

Bruine

Et si c’est l’envers de l’été en juin, un ciel d’encre éteint l’envie et de fines veines de pluies ruissellent sur terre, perlent sur les abris en zinc, jusque sur le bitume d’une rue pleine de bruits énervés, de rumeurs frénétiques de gens pressés qui piétinent et, en files indiennes, descendent une pente sinueuse. Sur le terre-plein, 807 vendeurs crient les yeux rivés sur la multitude, Eh ! Deux et le prix d’un, qui dit mieux ? En sens inverse, perchés sur des bicyclettes enivrées de vitesse, de minuscules insectes s’enfuient vers l’Est de la ville tumultueuse et frénétique.


Minces lueurs bercées par le vent, rien n’empêche le bruissement du désir qui revient.

samedi 25 juin 2011

543 de trop

Qu'il est beau ce blog ! Ce blog qui s'amuse à décliner le nombre 807, qui voudrait que tout aille jusqu'à 807. Eh bien, bravo ! Du bon boulot, je vous dis. Alors qu'il est des comptes qu'on aimerait ne jamais faire, un chapelet de jours qu'on égrène sans joie, des jours d'attente insoutenable. Oui, 543 jours de captivité, ce sont 543 jours de trop. Ne les oublions pas.


vendredi 24 juin 2011

Après J.C

La mort de Jules César marque la fin de l'histoire pour moi.
Son assassinat par Casca et Brutus, Et tu Brutè ? expirant sur ses lèvres.
J'ai essayé 807 fois de reprendre après ça la pièce de Mr W.S. Il était trop tard ou trop tôt.
Sur le devant de ma scène, le visage de l'empereur, pétrification d'étonnement et de douleur et des poignards de bras bandés. Je ne me lasse pas de leur faire rejouer cette partie.


Une fois encore je me suis arrêté là.

jeudi 23 juin 2011

Depuis la grille

À l’arrière de la maison – façade noircie, volets clos, lierre farouchement cramponné aux angles – ce qui était, sans doute, un jardin bien tenu s’abandonnait à la vivacité des ronces et aux herbes de mauvaise réputation. Un air de jungle rampait autour des troncs. Dans les bacs à fleurs, ourlés de mousse, branches mortes et plantes pirates figuraient d’étonnantes mâtures. Au long des murs gagnaient le bistre et le sauvage. Près de la porte, comme un souvenir d’autrefois, se détachait l’élégance en mauve d’un grand bouquet d’iris.


Au 807. Depuis la grille, à l’arrière du pavillon. La pierre fatiguée, les persiennes rabattues, l’entrée austère, battants fermés. Lumière froide. La végétation comme une mer, les arbres qui en dépassent. Le rouge flottant des jardinières et puis ces mains, bleues, dressées, par dessus tout ce vert...

mercredi 22 juin 2011

Nature

(c) Estelle Ogier


Impassibles plants de maïs 807 fois modifiés, vous qui soulevez le goudron de notre civilisation, voudriez-vous avoir l’obligeance de tout reprendre et de tout envahir ? Que rien de ce que nous sommes ne subsiste. Que nous ne restions pour vous qu’un mauvais souvenir. Un épais cauchemar noir de bitume : l’Homme. Que votre verdure recouvre notre sombre nature humaine. Que vous envahissiez tous les territoires que nous défigurons. Que vos épis dorés ne soient plus jamais moissonnés mais picorés par les oiseaux. Que leur chant mélodieux endorme l’Homme pour l’éternité verte.

mardi 21 juin 2011

Pas de feux sans fumées

On débute dans le labeur de civiliser les chiens. On nous nomme les éclaireurs, on sait comment faire feu même sans bois. Je regarde les premières flammes illuminer le haut de la colline où s'entassent bicoques et temples. Une grande cité part en fumée et c'est bien fait. On est en cercle autour de toi qui fixes une tablette d'argile pour faire le point.
– En renfort on peut compter sur : huit phalanges composées chacune de huit fantassins légers sur huit lignes ; y-a aussi sept groupes de sept archers sur sept lignes...
Je te coupe pour ajouter que cette nuit, la mer a été particulièrement agitée, une houle de tous les diables, sur chacun de nos huit bateaux, sept guerriers malades et du coup hors service pour finir la besogne. Les regards pèsent sur moi comme si je devenais le messager à abattre. Alors là, je sors mon joker :
– Mais on a du renfort, sûrement un petit coup de pouce des dieux, ce matin juste quand le soleil se pointait, A. s'entraînait sur la plage comme d'hab, il a croisé des hommes, en tout cas pas des bergers vu qu'y avait pas de moutons, je dirais des pêcheurs, ils portaient des vieux filets vides, ils étaient huit. Ils ont spontanément proposé à A. de nous rejoindre comme gymnètes, ça nous retire une sacrée épine du pied, vous trouvez pas ?
Une lueur orangée éclaire ton sourire :
– Huit cent sept guerriers, ça devrait le faire, mais bordel, pourquoi faut-il que tu brodes autant ? Tu crois que c'est le moment !
Cacophonie de cris, craquements des bâtiments, je réalise qu'on se retrouve à la lisière des flammes. Un vent fort s'est levé quand on dévalait vers la mer pour indiquer à l'armée le meilleur chemin à prendre. Une vague de chaleur nous a suivi jusqu'en bas.


lundi 20 juin 2011

La nuit remue 5

Étrange nuit que cette nuit remue 5 où nous vîmes Joachim Séné entonner son tube L'horloge tourne, « Un SMS vient d'arriver... » puis faire chanter le public à l'unisson « Dam dam déo oh oh oh... », où Anthony Poiraudeau prit une photo de l'assistance avec son smart phone pour son blog après avoir repris le tube de Jean-Jacques Goldman (dont il est l'expert absolu) À nos actes manqués dans une version limite zouk. Ensuite, ce fut avec stupeur que nous découvrîmes Cécile Portier sur scène vêtue d'une tenue de pute roumaine en répétant « Merci, Paris je vous aime, merci, Paris je vous aime, merci » au moins 807 fois devant des mâles subjugués par ses interminables jambes. Deux intervenants nous gratifièrent tout de même de tonitruants « Vous êtes génials ! », incongrus pour une soirée soi-disant littéraire. Pour continuer, Pierre Senges avec son éternel saxophone donna la réplique à la poésie de Lucie Taïeb sur un Mr. Saxobeat mémorable. Guénaël Boutouillet, le maître de cérémonie, termina la soirée aux platines pour transformer le premier étage de la mairie du 2e arrondissement en dance floor. Ceux qui ne purent assister à cette folle soirée se consoleront lorsqu'ils sauront que toutes les prestations furent filmées et seront prochainement diffusées sur M6 et W9.


Bon, l'année prochaine j'essaierai de ne pas confondre la nuit remue avec le concert M6 Mobile Music Live.

Dragon de fer

La neige remplissait les sillons et l’espace d’un grand silence froid. Caché dans les buissons, je regardais le monstre rampant à tête verte et blanche. Il s'ébroua dans un immense chuintement et des froissements de métal. Un homme minuscule s'enfuit. Tirés par une force colossale, les anneaux rouges et blancs suivirent. Le silo de céréales dressé au bord de la forêt et qui dominait les arbres de sa stature en béton ne fut qu'une bouchée.


La bête fumante me dépassa en m’ignorant. Sur son flanc je distinguai une cicatrice tracée à la peinture noire, « CARGILL RE 807 ». Elle glissa vers l’infini dans ses traces luisantes et m'oublia au bord de rien.

dimanche 19 juin 2011

Poste restante




Le chien qui pleure est passé près de moi. Il s’est assis sur son cul et m’a barré le passage jusqu’à ce que je plonge mon regard dans ses yeux de cocker. Il m’a appris, d’un coup de langue, que tu fleurissais encore dans le terrain vague. Celui de mon esprit mélancolique que personne ne veut viabiliser. Je n’ai pas su quoi lui répondre. La dernière lettre que j’ai reçue de toi est vieille de quinze ans. Ton numéro de téléphone y était inscrit en post-scriptum. Je ne t’ai pas appelée. Tu n’avais pas envie de moi au temps où je t’aimais. Tu ne m’as pas donné la priorité au carrefour des illusions. Tu écris, dans ta lettre, qu’il faut qu’on se revoie avant d’être trop vieux et de ne plus se reconnaître. Tu me fais des baisers très doux et tu signes du prénom que j’ai tant psalmodié sous tes fenêtres. Je me souviens de tes lèvres au temps de leur adolescence vermeille et je redoute la griffe de leurs rides actuelles. Si tu veux de mes nouvelles, cherche moi dans mon existence virtuelle, sans autre image de moi que celle dont tu te souviens, même si elle n’est plus d’actualité. Ouvre ton moteur de recherche et tape 807, tu me reconnaîtras. Je parle, sur ce blog, d’un chien qui pleure...

samedi 18 juin 2011

Tenerife, Canarias, España

Vous essuyez un peu de sueur sur votre front, vous avisez un gros rocher à peine surligné d’une vague marge d’ombre, mais il fera l’affaire. Vous posez le sac, sortez la gourde, arrangez vos fesses du gravier pointu de basalte comme vous le pouvez. Devant vous les 3 710 m du Pico del Teide qui vous contemplent, de toute l’austérité narquoise de leurs pentes ravinées et des cinq autres heures de marche qui vous en séparent. Entre vous et lui, rien, sinon la majesté de quelques Echium wildpratii géants. Vous sortez l’appareil photo, vous zoomez. Combien de fleurs au décimètre carré ? Ne faites pas les cons, les gars, vous savez bien sur quel blog vous êtes, non ?


vendredi 17 juin 2011

Des baffes se perdent, assurément.

« Un SMS vient d'arriver, j'ai 807 ans. Dam dam déo oh oh. » Mais il va en recevoir combien des SMS avant que je lui fiche mon pied aux fesses pour qu'il se taise ?


Celui-ci s'inscrit dans le genre démangeaison, sans doute aurait-il fallu pirater plus pour ne pas le connaître, lui et tant d'autres ? Enfin, pas tant que ça puisque quelques uns, en boucle, suffisent.

jeudi 16 juin 2011

Inflorescence

Elle l'aime. Mais lui ? Dans un champ de marguerites, elle interroge les fleurs. Elle décortique leur corolle : « Il m'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout... » Et ainsi de suite, elle conte l'amour. Un peu, ça ne suffit pas, beaucoup ce n'est pas assez, passionnément c'est risqué, pas du tout c'est la fin de tout.


Au 807e pétale enfin, il l'aime à la folie ! Elle le savait.

mercredi 15 juin 2011

Virgule

Cinq soutiendra Huit. Sans Sept.
C'est Un qui me l'a dit.
Trois s'en moque.
Du coup, Quatre s'est fâché avec Neuf !
Et Deux qui se rapproche de Six...
N'en déplaise à Zéro.


Comme toujours, c'est Virgule qui mettra tout le monde d'accord.

mardi 14 juin 2011

Nouille céleste

Hélas ! On n'a pas cassé le moule. Il y en a 807 à vendre au bord des routes de ces nymphes aiguës aux jupons introussables.


lundi 13 juin 2011

La règle de trois

Ça fait un bon moment qu’on n’a plus vu le soleil, entassés qu’on est dans ce grand ventre en bois pareil à une cale de bateau, puanteur compris. Patients et immobiles, on fait gaffe à ne faire aucun bruit. De l'extérieur montent des chants braillés dans cette langue qui écorche les oreilles ainsi que des hennissements et de grands cris de joie. Bien que dans la pénombre, on garde nos yeux ouverts. Le silence s’étend dehors et toi, le chef, tu retournes un sablier. Quand est tombé le 269e grain de sable, tu as procédé à la distribution des armes. 269 autres grains ont glissés dans le goulot de verre, c'est pile le moment d'ouvrir la trappe. Tu y jettes une longue corde, le haut du sablier s’est complétement vidé, les 269 derniers grains dégringolés. L'un après l'autre, on s'est laissé glisser jusqu'à sentir sous nos pieds nus cette terre maudite des dieux. Dans la nuit étrangère, vite, vite courir, ouvrir les portes de la cité. Juste 807 grains de sable, déversés en trois temps, qui t'ont rendu heureux.


dimanche 12 juin 2011

Play Bach

Le Blues le constipait, le ragtime lui donnait des envies de tuer, le dixieland, cette musique de rustres blancs, l’excédait. Les chorus de Charlie Parker, Coltrane ou Miles Davis, le laissaient froid. Il ne comprenait rien aux termes qu’il piochait dans les bouquins spécialisés : hot intonation, blue-notes, off beat, drive et swing... Du chinois ! Il était totalement découragé quand il découvrit, au rayon jazz, 807 disques se référant à Jean-Sébastien Bach dont il avait vaguement entendu un aria avec son prof de musique. Sans réfléchir une seconde, et sans les écouter, il en choisit un au hasard : Play Bach, enregistré par Jacques Loussier au piano, Christian Garros à la batterie et Pierre Michelot à la contrebasse. Pour faire bonne mesure, il emporta un vieil enregistrement des Swingle Singers ainsi qu’un autre du pianiste Artur Schnabel car le vendeur lui avait conseillé d’écouter une version classique des œuvres de Bach. Le soir même, les oreilles presque douloureuses à force d’écouter en boucle la fugue en ré majeur BWV 850, il essayait de décrypter, au dos d’un des CD, des propos totalement absconds pour lui : « Le Jazz emploie toutes les couleurs les plus riches de l’harmonie fonctionnelle, jusqu’aux altérations ascendantes et descendantes simultanées de la quinte... »


samedi 11 juin 2011

Léviathan

« Attends ! » chuchota Louise en se dirigeant vers le salon dont elle ferma délicatement la porte. La chère enfant avait-elle deviné les sombres pensées qui m’agitaient ce soir-là ? Délaissé sans raison par l’inspiration, je souffrais en effet depuis quelques jours mille maux. Et, tandis que j’entendis grincer les tiroirs du meuble de typographe dans lequel je conserve d’inutiles trésors, je songeai à la mort. Je m’étais approché tout près de la nuit qui ne finit pas lorsque Louise réapparut. M’étais-je assoupi ?
– C’est pour toi papa, et pour Franck, Joël, Hélène, Joachim, Myriam, Estelle, Michel, Camille et les autres.
– Mais qu’est-ce que c’est ?
– La bête qui vous dévore.


Mosaïque de Louise Prod'hom
Mosaïque de Louise Prod'hom

vendredi 10 juin 2011

L’hérésie

Rodolphe Arthaud


Je reconnus la Vaste Pelouse en ce qu’elle était porteuse du Brin. Et je sus que le Brin se trouvait là, car là était la Vaste Pelouse. Je restai huit cent sept jours à contempler la Vaste Pelouse, pleinement satisfait, nourri de la seule présence du Brin, là, une pointe unique dans le foisonnement innombrable et vert des pointes semblables. Enfin empli de verdeur et de certitude, je choisis un brin ; je vis que c’était le premier brin. J’en choisis alors un autre ; je vis que c’était le deuxième brin. Je poursuivis sans me décourager, car le Livre enseigne que le brin ne se donne pas immédiatement. Au huit cent septième, je reconnus le Brin à cela même qu’il était le huit cent septième. Le livre avait raison ! Je rassemblai huit cent six disciples qui me reconnurent, puisque j’avais reconnu le huit cent septième brin. Mais comment répondre à cette voix discordante, qui prétend que n’importe quel brin aurait pu être le huit cent septième, que j’aurais pu m’installer n’importe où sur la Vaste Pelouse pour commencer mon compte, et même que n’importe quelle autre pelouse aurait pu convenir à mon projet ? C’est pourquoi, partout sur la Terre — hors du sanctuaire vert et dénombré — nous désherbons.

jeudi 9 juin 2011

Fin de parcours

En haut de la colline de Mars, la clinique, en bas, de l'autre côté de la ville, avenue du 8 mai 45, l'hôpital, 512 places de parking, où il en faudrait 295 de plus pour éviter de tourner des heures afin de pouvoir en occuper une. Alors, choisissez bien le patient que vous étoufferez pour obtenir un lit et être soigné car sur le parking sa voiture pourrait bien être celle qui bloque la vôtre.


Et en ouvrant la portière, gare au brancard !

mercredi 8 juin 2011

Absurde

Le matin. Eugène ébouriffé, seul dans son studio. Assis sur une chaise bancale, devant un bol et une tartine, tête plongée dans un journal. Entre Samuel.


EUGÈNE. Si tu savais ce que je viens de lire, c'est horrible !
SAMUEL. Alors, ne m'en parle pas !
EUGÈNE. Imagine, à la une du journal de ce matin, l'accident d'un grand huit ; 107 victimes à Sète.
SAMUEL. Oui, oui, j'imagine... le sang couler...
EUGÈNE. Pas de noyés, en effet. Juste des gens écrabouillés.
SAMUEL. De toute manière, je n'aime pas la bouillie. Sais-tu que je n'ai écrit en tout et pour rien que huit phrases ces cent derniers jours ?
EUGÈNE. Les pauvres, ils voulaient faire un tour dans les airs et maintenant les voilà dans les cieux pour toujours ! Tout de même, tu te rends compte qu'ils ont payé pour ça... Bonjour, le salut !
SAMUEL. Sept lignes au total soit rien, nul, zéro, cacahuètes !
EUGÈNE. Bah... c'est toujours mieux que de mourir à Sète.
SAMUEL. Non, je suis en train de mourir et ça, tout seul.
EUGÈNE. Tu devrais manger. Moi, cette histoire de huit m'a donné envie d'huîtres. Tu comprends, on peut tellement vite partir, déraillé. Un p'tit caillou dans les rouages et...
SAMUEL. Des huîtres ? À huit heures du matin ? Pourquoi pas une biscotte à minuit tant qu'on y est !
EUGÈNE. Et pourquoi pas puisqu'on y est ?!
SAMUEL. Je devrais aller aux courses et miser sur le 7. Ces maigres lignes, c'est sûrement un signe !
EUGÈNE. Que veux-tu, la vie est un drôle de manège... On mise, on signe et on saigne !

mardi 7 juin 2011

Dynastie

« C’est qui déjà, celle-là ?
– La sœur de ma grand-mère.
– Celle qui a épousé un marin colombien ?
– Mais non ! Elle, elle est entrée au couvent à dix-huit ans !
– Et celle qui a fondé sa maison de couture, c’était qui déjà ?
– Et ben c’était sa fille aînée, celle qu’elle a eu d’un premier mariage avec un acteur qui avait jamais de contrat !
– Ah, d’accord ! Mais... euh... la fille aînée de qui ? Pas de celle qui est entrée au couvent ?
– Mon Dieu que tu es bête ! Évidemment pas de celle qui est entrée au couvent ! Elle y est encore au couvent et à part Dieu, elle a jamais eu personne dans sa vie. Mais je t’ai déjà expliqué tout ça... tu m’écoutes jamais quand je parle... »
Ça, c’est faux ! J’écoute quand elle parle. Mais entre Gertrude, Salomé, Jacqueline, la fille aînée de Françoise, celle de Nathalie et les deux petites filles jumelles de la sœur de la tante de sa grand-mère, moi, je m’y perds ! Ma Julie, elle a au moins 807 tantes, sœurs, cousines et grand-mères, alors... Vous vous y retrouveriez, vous ?


Songeur, j’ai posé ma main sur son ventre et j’ai murmuré :
« J’espère que celui-ci, ce sera un garçon... »

lundi 6 juin 2011

Histoires de rives

La rive goudronnée, on la longeait de jour comme de nuit. On ne se foulait plus trop pour la cadence. On avait des ampoules aux pieds et en tête une histoire de pont. On n'en faisait pas un plat, ça chauffait au-dessus du talon, on avait l'habitude du vif, faut dire que ça faisait un sacré bout de temps qu'on bouffait du kilomètre sans moufeter. Par moment, les Gps vérifiaient l'éloignement de l'amont ainsi que la position du pont qui se rapprochait un peu plus chaque matin. On se sentait brusquement plus léger. Derrière les remous verdâtres et marrons du fleuve, s'éleva un nuage de poussière.


Sur la rive sablonneuse, 807 autres remontaient à la source.

dimanche 5 juin 2011

Hommages

Elle l'a dit 807 fois : Chevillard est grand, il est nécessaire, il est un absolu dans son genre, on ne s'en remet pas, on ne veut pas s'en remettre...


« À part ça ? » lui demande-t-on.
« À part ça... Claro ! » Parce qu'elle est fidèle à ses infidélités.

samedi 4 juin 2011

Cour de récré

Depuis la rentrée, j’ai ramassé 807 marrons dans la cour. Il n’y en a plus par terre. Je regarde les arbres, fasciné par le soleil qui radiographie les feuilles de marronnier. Choc entre les épaules. Bousculade. Je tombe. Genoux en sang, je me relève. Les cris absorbent les couleurs, l’oxygène. Je bondis sur le premier de ceux qui tournent autour de moi en hurlant. Je ne vois plus rien. Je reprends conscience, couché sur le dos. Les battements de mon cœur résonnent sous le préau. Je perçois une voix au-dessus de moi. Je vois le visage du maître près du ciel. Je ne distingue pas ses traits à contre-jour. La lumière est éblouissante, insupportable. Je détourne la tête et les lacs de larmes dans mes yeux roulent dans la poussière. Gouttes de mercure.
– Te voilà calmé ! dit le maître. Qu'est-ce qui t'a pris ?
Je veux me relever. Il m’en empêche. Sa grosse patte me plaque au sol.
– Reste tranquille ! Tes parents arrivent. Il faut te faire soigner, mon petit ami !
Ils sont tous là, autour de moi, graves et silencieux. Celui que j'ai tenté d'étrangler se tient près du maître, une main sur la gorge.


Plus tard, quand le psychologue me demande des explications, je dis :
– Ils m’ont dérangé. J’étais tranquille avec le soleil.

vendredi 3 juin 2011

Working class hero

Ça a pas été long avant que je comprenne que le boulot et moi c'était foutu et pas qu'un peu. Parce que j'ai essayé de bosser comme monsieur tout-le-monde. Seulement j'ai bien vu que c'était pas possible. J'avais quoi, dans les 15/16 ans à l'époque, un môme !... Ma mère elle m'avait dit : « Johny, puisqu'à l'école y veulent plus de toi et que toi tu veux plus d'elle, il serait temps de penser à gagner ta croûte !... » Rapport qu'à la maison, des biffetons on en voyait pas passer tous les jours. Et pourtant tous les matins qu'elle prenait le bus de 8 h 07, la pauvre... mais pour gagner quoi avec ses ménages ?... Pour ça que j'ai été m'embaucher au bouiboui qu'était au coin de la rue. chez Frédo, ça s'appelait. Le restau le moins cher d'Austin, je crois bien !... À la plonge qu'il m'avait pris, le grand Fred. Seulement 2 jours, j'ai tenu. pas plus pas moins !... Rapport que l'après-midi du deuxième jour, j'étais allé me planquer dans la cour derrière le restau, histoire de m'en rouler un petit. Une espèce de pause qu'a duré un peu plus longtemps que j'avais prévu, quoi. Vu qu'à un moment c'est le bruit qui m'a tiré du coltar. Et j't'assure que ça fait bizarre de te réveiller à moitié stone avec un mec qu'est en train de vider un bac d'huile bouillante juste à côté de toi. À même pas un mètre que ça s'est joué que je me retrouve pas cramé à l'huile de friture ! N'empêche, dans le genre leçon, pour moi c'était clair : avec le manche de ma guitare désormais que je gagnerais ma vie, et pas autrement !...
Extrait de Johny Shine, La musique des chicanes (éditions irrégulières, 384 pages, 45 euros)


jeudi 2 juin 2011

À grands maux grands remèdes...

La marquise du Château de Mirlingue la Brumeuse sortit à 8 h 07 du soir de chez son médecin avec un grand coup dans la coloquinte. Quelque chose la turluchosait. Elle était perplexe. Oui, infiniment, car elle qu’était une rigolote comme c’était pas possible, depuis quelque temps déjà survivait tant bien que mal ; mais c’était pas de la guimauve. Elle se sentait triste, oui, infiniment, car après un examen méticuleux de ladite, son dérapeute avait fini par qualifier son état lalilala de profonde dépression. Auparavant, le susmentionné lui aurait gravement expliqué que ses humeurs étaient peccantes, sous l’influence de son épigastre facétieux, entraînant l’inévitable perturbation du fonctionnement de ses hypocondres et propre à bloquer ses zygomatiques. Ce diagnostic posé par icelui qu’y faire ?


Nonobstant malgré tout et néanmoins dès son retour « at home » elle confirma son statut de vivante en s’envoyant quelques 807 généreuses rasades de Porto dans le gaviot. Subitement ragaillardie elle se sentait à présent tout à fait guérie... Et complétement allumée, elle se mit à rigoler comme une folle en se glissant dans les torchons, sombrant dans un sommeil presque sans rêve où seuls des petits éléphants roses jouaient inlassablement à saute-mouton-cadet.

mercredi 1 juin 2011

Boule à facettes

Lors de mon entrevue avec Lou Dark au 55 Bar, je lui demandai quelle chanson l'avait marqué. Il me dit sans hésiter : I'll be your mirror du Velvet Underground. Et d'ajouter : Tu sais, cette putain de chanson, c'est comme une boule à facettes de notre existence, 807 facettes pour nous dire à quel point nous avons besoin des autres. Je ne m'attendais pas à ce genre de réponse, que d'ailleurs je ne saisis pas complétement sur le moment. Pour moi, c'est une chanson d'amour que Lou Reed a écrite à l'attention de Nico. D'ailleurs, il la chante maintenant avec Laurie Anderson, comme quoi il pratique le recyclage pour tout. T'as raison, man, mais écoute les paroles, elle peut aussi parler d'amitié, du rôle d'un artiste, d'humanisme... Puis il s'installa derrière le piano que le groupe des jeunes musiciens qui devait jouer avant Mike Stern venait d'installer. Je la joue souvent, à la guitare, au piano, j'ai fait plusieurs arrangements. Je découvris alors une nouvelle facette de Dark, plus humaine, le même Dark qui quelques instants auparavant se vantait s'être battu avec Philippe Manœuvre après l'avoir comparé avec Little Bob, le journaliste étant très susceptible sur ce point. Avec l'œil que je lui ai fait, ses lunettes noires servaient enfin à quelque chose.