vendredi 30 septembre 2011

La coupe est peine

À la lisière du parc, observer les jeux des 317 loups noirs et des 491 lions moins celui qui dort. Cueillir des plantes abrasives qui attirent des moucherons et les dévorent. Rêver à elle. Poussant des grognements humains déchirants, des cochons déboulent du palais. Vingt-deux cochons en tout, dont un aux côtes apparentes comme celles de l'émacié et un autre couvert de pustules identiques à celles du boutonneux. Cette coïncidence a sûrement un sens ; ce délire une raison. Pas possible de les laisser dans cet état boueux, avec leurs paupières tétraédriques et leurs pupilles rouges de crainte. Je cavale te chercher, t'es déjà sur le pied de guerre comme si tu pressentais que ça allait tourner en eau de boudin, on repart illico. Sur le chemin, tu déballes à propos de la cuisine de ta femme, de tes vacances reposantes à Sparte et tu philosophes aussi : Crois-tu que qu'un raisonnement peut être saucissonné ? Tes blablas qui ne concernent que ton nombril me gavent, je suis inquiet. Au milieu de la forêt, un jeune escogriffe nous demande où l'on va. Je crache : dans la pire des porcheries. Une expression contrariée passe sur son visage, il me donne un bouquet d'ail sauvage en marmonnant: Pour t'empêcher devenir bête. Ou de devenir une bête. Tu me confisques l'ail, l'enfourne direct et le mâchonne comme une chèvre. À la lisière du parc, les porcs tremblotants ne nous lâchent plus d'une spartiate. Les 807 bêtes sauvages tentent ton arc, mais tu remets la chasse à plus tard. Allure élancée, chevelure encore plus bouclée, pommettes roses, sourire éblouissant et dents pointues, elle se matérialise devant nous. Te tend une coupe en argent massif, pleine à ras bord. Tu y trempes tes lèvres. D'un regard profond elle te fixe, d'un regard de truie elle me fige. Un clignement de ses paupières déclenche un fil invisible qui se déploie jusqu'à allumer le feu de ma rage. Tu bois lentement. Rien ne se passe... De plus en plus soif. On est figé dans du marbre quand s'élèvent des couinements qui font froid dans le dos. Les cochons se bousculent, odeur de fange et de pourriture, alors qu'un parfum ambré émane de cette saloparde qui nous a eus avec son alléchante hospitalité. Mes potes piégés dans son bourbier. Comprimés dans du cuir puant, corps prisonniers de la bouse, déterrant frénétiquement des racines pourries... Mes poings se serrent.



Musique (c) Franck Garot

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