dimanche 4 décembre 2011

Clair de nuit

Elle entendit un grognement puis l’homme s’affaissa dans un craquement sec. Le plan avait fonctionné au-delà de toutes ses espérances, il ne lui restait qu'à passer à l'étape suivante, la plus délicate, celle dite du chanoine bulgare. Elle prit la canette de bière posée sur la marche de l'escalier, en vida le contenu d'une traite et se dirigea au fond de la rue vers le bar : il lui fallait prévenir Bogdan qui attendait deux rues plus haut pour ne pas éveiller les soupçons. En amplifiant sa foulée, elle ne put s'empêcher de se demander avec angoisse si elle allait reconnaître Bogdan, l'OUBE (Officiel Ultime Bureau Eliminateur) ne lui ayant hologrammé qu'une Identif-Basse-Déf qu'elle tenait discrètement dans la paume de sa main en pénétrant dans le bar sombre où irradiait le faisceau ionisant du détecteur de plasmons. Elle attendit plusieurs secondes que le rayon de lumière balaie le mur latéral pour se glisser au bout du comptoir et pousser la porte qui donnait sur l'escalier. Elle dévala les marches, poings crispés au fond des poches, sentit la chaleur puante des corps agglutinés dans la petite pièce où elle peinait à distinguer les visages. C'est à ce moment-là qu'une main attrapa son bras et qu'avant même de se retourner elle pressentit que c'était Bogdan, à peine le temps d'entrapercevoir ses pommettes sculptées et ses épaules musculeuses sur lesquelles il jeta un lourd manteau, que déjà il l'informait sur le deuxième homme à abattre, plus difficile cette fois car il fallait d'abord retrouver sa trace : on l'avait vu pour la dernière fois dans la zone est de la ville, une zone interdite puisque contaminée par la centrale. L'homme qui avait donné son signalement n'avait pas eu le temps de tout dire, mais avant de rendre son dernier souffle il lui avait tendu une éprouvette contenant le doigt momifié de l'agent REZE (Réseau Eliminateur Zone Est) qui était soupçonné d'avoir vendu des renseignements sur les réacteurs nucléaires à la mafia russe. Elle fourra l'éprouvette dans sa poche, se sentit amère de devoir quitter si rapidement Bogdan, mais que pouvait-elle faire sachant que la puce qu'on lui avait greffée répandrait dans son corps des rayons mortels qui la réduiraient en quelques minutes à l'état de poussière si elle n'achevait pas sa mission avant l'aube ?


Ensuite, ses pas résonnèrent, dans la nuit claire de Darwin leurs claquements s'amenuisèrent jusqu'au 807e que, bien qu'extrêmement attentif, Bogdan n'entendit plus...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire