lundi 25 février 2013

Les kiwis ont le sang vert, thêatre booléen


Jésus : ce temps gris me déprime. Pas envie de sortir ni de rester entre ces 4 murs.
Paul : Et si on allait voir la mère ?
Jésus : Arrête de parler du père en ces termes sacartistiques. Il n'a pas une vie facile. Ne serais-tu pas amer à la place ?
Paul : Regarde ce grand sot.
Madeleine : Bah, il idolâtre papa, il le vénère, il s'assimile.
Madeleine s'approche de Jésus, faisant mine de vouloir faire gazou-gazou. Jésus sort en claquant la porte.
Et ça ne s'arrange pas depuis qu'il sait qu'il a été adopté.
Paul : Il n'en peut plus de ce cor
Madeleine, Ouais, ça m'étonne qu'il ait réussi à se faire pousser un cor au même pied que papa. Cette technologie de la génétique par transfert me donne la chair de poule. Jusqu'où ira-t'il ?
Paul : Elle a stoppé cet élan.


Jésus revient, un verre de jus de fruit à la main.
Jésus : c'est qui elle ?
Madeleine : Oh, personne
Jésus : C'est forcément quelqu'un !
Paul coupe court : J'aime beaucoup ce verre.
Jésus : c'est du jus de kiwi, y a pas de quoi s'extasier.
Madeleine : les kiwis ont le sang vert ?
Jésus : et le tien n'irrigue plus le cerveau ?
Paul : Elle n'a plus de foie.
Jésus : et alors, ça rend bête ? Ma foi en y réfléchissant, elle l'a toujours été.
Madeleine : ce que tu peux être méchant parfois. Il aura bientôt repoussé.
Paul : il est bien noir.
Madeleine : tu peux le voir ?
Paul hausse les épaules et désigne la fenêtre : Quelqu'un a vu le port ?
Madeleine : Avec ce temps on ne voit pas à 10 mètres !
Jésus : ça tourne à l'orage.


Paul : il faut maintenant choisir un cadre.
Jésus : c'est vrai que ça fait un paysage fantastique.
Madeleine : Mais vous ne pouvez pas les faire vivre là-dedans !
Paul : C'est une bonne pâte.
Jésus : on n'a qu'à leur donner un pécule de départ.
Madeleine : Du genre 807 deniers ?
Paul : 807 deniers, on va pas loin.
Madeleine : S'ils mettent leurs deniers en commun, ils seront à l'abri.
Jésus : tout est dans le « si ». Ma petite Mado, cette foi candide que tu as en eux est très touchante.
Paul : le compte est bon.
Madeleine : Le comte a confisqué tous les fonds !
Jésus : Le conte tourne à l'horreur. Bienvenue dans la réalité d'ici-bas.

vendredi 22 février 2013

Mer amère



Emma : Et si on allait voir la mer ?
Alceste : Ah ! Tendre amie, vous savez bien, pourtant, qu’elle a pour moi un goût amer !
Emma : Regardez ce grand sot !
Alceste : Comme vous êtes cruelle, avec vos vilains mots
Emma : Il n’en peut plus de ce cor
Alceste : Mais de quoi parlez vous donc encore ?
Emma : Je parle de votre ami, Paul, qui ne supporte point le bruit du cor
Paul (entrant dans la pièce) : Qui donc parle de moi aussi fort ?
 
Emma (se parlant à elle même) : Elle a stoppé cet élan
Alceste : Quel élan ?
Paul  (à Alceste): Pardi, celui qui pousse Emma dans vos bras accueillants…
Emma (à Paul): J’aime beaucoup ce vert
Paul : La couleur de mon habit ne cherche point à vous plaire
Emma (tout bas) : Elle n’a plus de foi
Paul (à Alceste) : Mais qu’est-ce donc ? Elle se parle à elle-même, ma foi
Alceste : Hélas, oui, je le crois
Emma (à Paul) : Il est bien noir
Paul : On le serait à moins, femme de peu de mémoire
 
Alceste : Par pitié mon ami, ne réveillons point cette malheureuse histoire
Emma : Quelqu’un a vu le port ?
Alceste : Point de mer, j’ai dit ! Pourquoi me torturer encore ?
Emma : Il faut maintenant choisir un cadre
Alceste : Allons à la montagne, s’il vous faut un cadre !
Emma (à Paul) : C’est une bonne pâte
Paul (à Emma) : Vous pouvez bien le dire, vous qui lui accrochez votre fil à la patte
Alceste : Aurons-nous assez d’argent pour partir cependant ? Je me tâte …
Emma : Huit cent sept écus, on va pas loin
 Paul et Alceste (en chœur) : Ah la cruelle femme ! Elle ne nous épargnera rien
Emma (furieuse, quitte la pièce) : Le compte est bon
Alceste : Et maintenant elle s’en va rejoindre Rodrigue, ce triste félon

jeudi 21 février 2013

Au café. Théatre Booléen.

Lieu : au café. Personnages : A et B. Le serveur (vieux).

A : On n’est pas partis de Paris depuis longtemps… ?
B : Et si on allait voir la mer ?
A : (au serveur) deux cafés comme d’habitude  un simple et un double.
Le serveur repart, passe la commande au bar commence à nettoyer le sol à grande eau
A : laver le sol à grande eau en plein service, ce n’est pas très hygiénique, quel abruti …
B : Regarde ce grand sot.
A : je ne supporte plus la crasse de ce vieux serveur. En plus il boîte, tu as vu ?
B : Il n’en peut plus de ce cor.
A : Heureusement que la patronne l’a empêché de nous arroser.
B : Elle a stoppé cet élan.

A : Tu sais, la mer, ta mère, Deauville, je n’aime pas trop, mais si cela te fait plaisir…
Le serveur revient et dépose les tasses de café
A : Et la Manche, elle n’est pas bleue, mais verte.
B : J’aime beaucoup ce vert.
A : Ce sont les algues, la pollution des éleveurs de porc.
A : Et il faudra aussi  un passage éclair  pour saluer ta vieille tante, la religieuse ?
B : Elle n’a plus de foi.
A : Elle fait encore sa crise annuelle ? Cette vieille bigote nous a abrutis de ses discours, si on pouvait l’éviter pour une fois.
A : goûte son café : délicieux, tu aimes le tien aussi ?
B : Il est bien noir
A : Je ne sais pas pourquoi, mais je préfèrerais aller à Zanzibar, c’est loin, c’est bien, il y a la mer bleue et des bateaux colorés. Il paraît que c’est très joli.
B : Quelqu’un a vu le port ?
A : C’est un rêve, comme ça. Et aussi Tombouctou, Ouagadougou …
B : Il faut maintenant choisir un cadre
A : J’aimerais qu’on parte seuls, à l’aventure, comme autrefois.

Le serveur apporte l’addition et recommence frénétiquement à nettoyer
A : 8 euros 7 centimes, c’est drôlement précis !
A (vérifiant l’addition)  : Ah, voilà, il s’est trompé dans la retenue,  il est bête, mais il est gentil.
B : C’est une bonne pâte.
A : (sort un billet de sa poche) : c’est tout ce qui nous reste pour la semaine !
B : Cent euros … on ne va pas loin …
A : La richesse nous reviendra un jour. Ça m’agace, mais dans les grandes familles comme la nôtre, il y a toujours eu des revers de fortune.
A : Je vais lui laisser quand même un pourboire, il faut tenir son rang.
B : Le compte est bon.
A : Allons-y comtesse, avant que ce drôle nous asperge.

mardi 19 février 2013

Puis, venue dont ne sait où, l’inspiration:


             Passé derrière Céleste, l’ange blond l’enserre de son bras gauche, sous son cou il glisse la lame d’un cran d’arrêt. Il la traine et recule de trois pas, se cogne à un poteau. Essoufflé, rapproché, Cyril demande qu’il lâche la fille. Le sourire d’Alban qui s’accentue...La bouche de Céleste se tord dégoûtée, elle sent la respiration de l'autre dans sa nuque et le bloc compact de haine et de peur qui l’envahit. Elle n'ose bouger d'un millimètre avec la lame froide qui pince la peau. Cyril piaffe sur place. Comment la libérer ? Il ne supporte plus l’expression satisfaite qui flotte sur le visage de Alban. Comment l'exploser définitivement ? Une chape de béton engloutit son cœur. Il a appris à tirer en entraînement, il mettait toujours la balle dans la cible, mais il n'a jamais tiré en vrai. Le geste, il le connaît par cœur, allonger le bras, visser son regard sur l'objectif, retenir son inspiration, amorcer un micro mouvement de l'index, suspendre le temps et caresser l'objectif. Tirer. Le recul qui bascule la main et l'épaule en arrière. Le sourire en apercevant la cible trouée là où il avait prévu. Tout ça lui revient, mais en est-il capable maintenant. Quelque chose de lourd compresse son thorax. Ses os tressaillent, une vague de colère gronde, il sort son flingue et le tend. 


            Alban regarde le canon de l’arme braqué sur lui à deux mètres de distance. Il n’y croit pas. On ose le menacer, lui qui est craint de tous. Un raclement reste coincé dans sa gorge. La circonférence de métal parait être un grand oeil noir écarquillé qui se moque de lui. Et ce gout de sang qui envahit son palais, est-ce déjà la saveur de la mort ? Une goulée d’air glaciale fuse dans ses narines quand son palpitant augmente gravement sa cadence. Il la planterait bien, cette gueuse, mais vivante elle lui sert de bouclier. Il a raconté souvent comment il a échappé aux 807 Russes en Somalie, aux gardes du Shah en Iran, aux espions israéliens en Syrie mais c’était que du vent. Et maintenant, face à l’arme, il hésite, sa main tremble, son souffle se raccourcit. 


           Puis, venue dont ne sait où, l’inspiration: il fait une clé au bras de Céleste, elle se penche en gémissant, il la tire sur le côté, bondit en avant et balance un grand coup de jambe sur le flingue qui valse dans les airs. Stupide, Cyril regarde ses doigts rougis, sa main flotte comme un chiffon inutile. Céleste vacille et se pisse dessus. Alban fait un bond à droite, il n'a pas coordonné son élan ce qui permet à Céleste de glisser entre ses bras dans un mouvement de chat. Elle crie, borborygme assourdi, Cyril crie aussi mais lui c’est limpide.

vendredi 15 février 2013

le fil de ses maux


        
              Il a perdu le fil de ses maux, comme tout ce qui l’entoure. Il a cherché vainement les pinces, pour les étendre sur le fil. Le fil des mots. L’alphabet semble absent. Le A s’en va, le B tourne en rond, le C joue au plus fort, le D se sépare, le E s’éloigne, le F s’en fiche, le G n’aime que les gâteaux, le H est trop haut, le I est presque invalide, le J les juge, le K pose son képi bien droit sur la table, le L est sans elle, le M se meurt, le N nie tout, le O est frappé d’oubli, le P est en train de partir,  le Q essaye d’être quelqu’un, le R est enfin résigné, le S ne pense qu’au sexe, le T va de travers,  le U essaye d’être utile, le V est déjà encore en voyage, le W saute dans un wagon, le X est un peu xénophobe, le Y ferme les yeux, même le Z est au zoo.


             Comment va-t-il s’y retrouver ? Comment choisir une émotion qui enfin se tiendrait devant lui ? J’ai promis de lui tendre la main,  lentement, l’approcher de ses cheveux, le caresser, doucement. Lui dire, je suis ton égale. S’envelopper dans notre accolade. J’en profite pour évoquer ces 807 vérités qu’il racontait, avant, dans un radieux éclat de rire. Tous ces possibles en lui. Le fil est tendu, les pinces sont perdues, la mémoire nous échappe. Le temps passe. Il évoque sa peine, sa longue solitude, sa liaison d’avec sa quête, la fuite des mots.



            Puis lentement il se souvient.

mercredi 13 février 2013

l’homme-araignée

L’homme-araignée

                  Depuis que je suis gamin, les 807 prouesses de l’homme-araignée m’enthousiasment. Mais si… ce « french spiderman » qui escalade, à mains nues et sans cordage, toutes les tours, les gratte-ciel, les parois glissantes qui poussent partout sur le globe. L’adolescence m’a servi de tremplin, puisque j’ai profité de la souplesse et de l’audace de la jeunesse pour escalader la grande armoire de ma chambre, le trône des toilettes, un radiateur à bain d'huile, un fauteuil de design suédois, une poubelle, un lit à baldaquin, un évier en inox, une table de chevet, un cheval à bascule…

                    La maturité m’a offert de beaux challenges, car, avec l’expérience, j’ai pu grimper sur des poneys nains, des panneaux stop, des rampes d’escaliers roulants, des tables de pique-nique, des toboggans de jardins d’enfants et la liste est encore longue. Aujourd’hui, fort d’une solide connaissance de mon corps et des techniques de franchissement d’obstacles spectaculaires, je crois pouvoir monter sur la grande armoire de ma chambre, le trône des toilettes, un radiateur à bain d'huile, un fauteuil de design suédois, une poubelle, un lit à baldaquin, un évier en inox, une table de chevet, un cheval à bascule…

                    Avec l’âge, il est probable que je répète un peu mes gestes ; mes mains tremblotent et mes membres sont moins raides, pourtant, dans la tête, je reste l’homme-araignée de mes quinze ans ! Je vous quitte, l’Alzheimer va venir me prendre, comme un enfant, par la main et la nouvelle infirmière veut, absolument, que je lui montre comment je grimpe au rideau !

lundi 11 février 2013

Espace Childfree



          Voici des billets, des notes, des triptyques et des pensées
Et puis voici mon blog que je publie pour les gens. 
Ne le refermez pas avec vos doigts impatients
Et qu’à votre tablette, il reste lié. 


         807 jours de présence numérique
Pour évoquer ma lassitude chronique
Ont suffi à mon bonheur.


        Continuerai-je ? 
Verra-t-on apparaître le énième ? Le 808 !

vendredi 8 février 2013

Foudre




Au début il n’y a rien. Ou tout.
Un gros bang, de la poussière, du gaz, des cailloux, des cailloux, des cailloux, qui dansent, qui roulent, qui s’entrechoquent, qui tourneboulent, qui s’agglutinent, qui s’épousent partout ! Le grand chambardement, le coït universel : un vide qui accouche du monde ! Quelque part, dans une traînée de lait un monde bleu perdu au milieu de l’immensité entame une valse d’amour autour d’une boule incandescente, suivi comme son ombre d’une petite Lune espiègle et cachottière…


… Et peu à peu, dans les mers, sur les terres, dans les airs, des bestioles bizarres, gluantes, articulées, vertébrées, écailleuses, querelleuses, voraces, gigantesques. Oui, gigantesques ! Trop…
Une météorite, un gros boum, on recommence tout !
Enfin, des hommes... Un peu… Beaucoup…  807 ?... Partout !


Maintenant, dans la foule, il y a Vous !
Votre regard filou qui me happe, me chaloupe, m’entourloupe, me chavire, m’éparpille…
Je baisse les yeux. J’ai faim de Vous.
Maintenant, il y a Nous, au milieu de tout !

mercredi 6 février 2013

Adultes errent


Dimanche matin. Réveil. Elle met le café en route et se recouche dans les draps tièdes. Mal au crâne. Froid. Arrêter de penser à lui.


Dimanche matin. Réveil. Café. Les enfants tournent autour de lui. Sa femme lui fait la gueule. Mal au crâne. Froid. Arrêter de penser à elle.


Quatorze heure. Elle s'endort en pleurant. Il prend un café et soupire. Il leur reste 807 raisons de s'aimer.