Passé derrière
Céleste, l’ange blond l’enserre de son bras gauche, sous son cou il glisse la
lame d’un cran d’arrêt. Il la traine et recule de trois pas, se cogne à un
poteau. Essoufflé, rapproché, Cyril demande qu’il lâche la fille. Le sourire
d’Alban qui s’accentue...La bouche de Céleste se tord dégoûtée, elle sent la
respiration de l'autre dans sa nuque et le bloc compact de haine et de peur qui
l’envahit. Elle n'ose bouger d'un millimètre avec la lame froide qui pince la
peau. Cyril piaffe sur place. Comment la libérer ? Il ne supporte plus
l’expression satisfaite qui flotte sur le visage de Alban. Comment l'exploser
définitivement ? Une chape de béton engloutit son cœur. Il a appris à tirer en
entraînement, il mettait toujours la balle dans la cible, mais il n'a jamais
tiré en vrai. Le geste, il le connaît par cœur, allonger le bras, visser son
regard sur l'objectif, retenir son inspiration, amorcer un micro mouvement de
l'index, suspendre le temps et caresser l'objectif. Tirer. Le recul qui bascule
la main et l'épaule en arrière. Le sourire en apercevant la cible trouée là où
il avait prévu. Tout ça lui revient, mais en est-il capable maintenant. Quelque
chose de lourd compresse son thorax. Ses os tressaillent, une vague de colère
gronde, il sort son flingue et le tend.
Alban regarde le canon de l’arme braqué
sur lui à deux mètres de distance. Il n’y croit pas. On ose le menacer, lui qui
est craint de tous. Un raclement reste coincé dans sa gorge. La circonférence
de métal parait être un grand oeil noir écarquillé qui se moque de lui. Et ce
gout de sang qui envahit son palais, est-ce déjà la saveur de la mort ? Une
goulée d’air glaciale fuse dans ses narines quand son palpitant augmente
gravement sa cadence. Il la planterait bien, cette gueuse, mais vivante elle
lui sert de bouclier. Il a raconté souvent comment il a échappé aux 807 Russes en
Somalie, aux gardes du Shah en Iran, aux espions israéliens en Syrie mais
c’était que du vent. Et maintenant, face à l’arme, il hésite, sa main tremble,
son souffle se raccourcit.
Puis, venue dont ne sait où, l’inspiration: il fait
une clé au bras de Céleste, elle se penche en gémissant, il la tire sur le
côté, bondit en avant et balance un grand coup de jambe sur le flingue qui
valse dans les airs. Stupide, Cyril regarde ses doigts rougis, sa main flotte
comme un chiffon inutile. Céleste vacille et se pisse dessus. Alban fait un bond
à droite, il n'a pas coordonné son élan ce qui permet à Céleste de glisser
entre ses bras dans un mouvement de chat. Elle crie, borborygme assourdi, Cyril
crie aussi mais lui c’est limpide.
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