jeudi 30 mai 2013

Le twitter à gratin.


                              Quand la guerre numérique aura effacé toutes les données, la nucléaire les villes, les 807 survivants trouveront : Les tweets sont des chats.




                              Et pourquoi pas les truites aux amandes qui seraient des gratins de chou-fleur pendant qu'on y est ? Y a plus de limites !

lundi 27 mai 2013

c'est après

                   
                      Une grosse tache bleue trône sur sa table, son saladier contenant des balles vertes et oranges, de vagues cônes jaunes. C'est après qu'il s'aperçoit de quels fruits il s'agit. Sur la loggia, des ombres floutées qui palpitent. C'est après qu'il détaille le tee-shirt, le jean et le reste du linge qu'il a mis à sécher.


                     De l'autre côté du square, un long rectangle beige piqueté de petits traits sombres. C'est après qu'il profite de la vue du petit olivier du troisième balcon de l'immeuble d'en face. Plus au loin, des masses grisées. C'est après qu'il voit les collines de la ville en surplomb, leurs présences, les nervures des rues et les piques des antennes relais.


                    Et la blancheur opalescente qui piquote les yeux quand il les lève, cet éclat diffus qui va se préciser lentement jusqu'à distinguer après quelques écharpes de vapeur, d'impeccables trajectoires d'avions et ce qu'il guettera en levant la tête. Les apparitions prochaines de 807 points de lumière.

lundi 20 mai 2013

Avant qu'on vienne prendre la commande.

Elle vissa machinalement le verre dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. La lecture du menu concentrait toute son attention.

Il remarqua un léger décalage dans le positionnement des couverts. Il avait soif finalement.



















                                                                                                                           807 secondes s'écoulèrent.

vendredi 17 mai 2013

Bord cadre.

               
                Lors de mes trajets en ville, je croise tellement de choses cocasses que j'oublie trop vite. J'aurais voulu noter une silhouette fleurie, mémoriser une traversée hors des clous, enregistrer des ombres fugaces, des herbes entre les pavés ou tant d'images encore qui effleurent ma rétine sans y rester. Je ne peux plus laisser passer toutes ces étincelles de vie. Il faut que ça change, et vite. Il faut que je les attrape, et pour de bon. Que je les chope, que je les vise, que je les cadre, que je les fige. Que je zoome, que j'élargisse les angles, que je dézoome. En un clic, ça serait l'idéal. Il faut que j'apprenne à faire enfin de bonnes photos. Je vais m’y mettre tout de suite pour être meilleure demain.


                   J'aimerais tellement savoir faire de belles photos.

jeudi 16 mai 2013

Promenade à dos d’homme le long des quais de Seine / performance.


                              
                        Tous les matins à la même heure il hisse la petite infirme sur ses épaules et il court. Départ à hauteur du Pont au Change, puis franchissement de la Seine par le Pont Neuf, ensuite rive gauche jusqu’au pont des Arts, deuxième franchissement de la Seine par la passerelle métallique, et retour rive droite jusqu’au Pont Neuf, troisième franchissement du fleuve par le Pont Neuf avant de rejoindre l’extrémité du quai des Grands Augustins à hauteur du pont Saint-Michel, soit un peu plus de deux milles mètres, la figure représentée étant chaque fois la même, un A, le grand A de Amour, l’Alpha des origines. 


                        80 photographies géantes en noir et blanc représentant diverses parties du corps ont été dressées tous les vingt mètres le long du parcours. D’abord la série des gueules cassées, fronts ouverts, bouches tordues, ensuite la série des dos rompus, bras tranchés, jambes brisées, enfin celle des mains actionnant des roues de bicyclette, doigts en gros plan accrochés aux rayons d’argent comme des doigts de harpiste. La petite infirme n’est pas lourde, ses chevilles sont nouées autour du cou du jeune homme, ses mains plaquées à son front, son ventre collé à sa nuque. De temps en temps elle écarte les bras et bat des ailes. De temps en temps elle tend le poing. De temps en temps il ralentit sa course, pour souffler, pour marcher. Démarche sautillante, toujours très précise, comme s’il suivait une ligne invisible qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’interrompre en traversant. Au contraire, on s’arrête pour les regarder passer. On songe à ce guerrier grec parcourant cinquante-deux fois 807 mètres (et des poussières) afin d’annoncer au peuple  d’Athènes la victoire de Miltiade. On songe au plus jeune des trois Horace, à l’élégance de sa foulée, à l’intelligence de sa démarche. On songe à Saint Christophe portant le Christ, on songe au passage du Graal.


                        Devant eux les 80 photographies géantes défilent comme autant de détonations silencieuses. Le vrai tonnerre est pour bientôt. 7 percussionnistes noirs ont pris place au milieu du pont des Arts, qui les accompagneront le temps de la traversée. Le roulement atteint simultanément les deux rives, et c’est, avec la passerelle et les quais, le fleuve tout entier qui résonne et se met debout.

lundi 13 mai 2013

Marcher vers l’essentiel



             « Entre 806 et 808, on ne peut pas l’oublier…. »
Et c’est Paul qui dit ça ! Pourtant Paul n’est pas un homme de chiffres. Mais cette fois-ci, il s’est laissé embarqué par une aguicheuse en cuir et aux dimensions généreuses. Et ça marche. Il en reviendra ? Mais en attendant elle m’agace avec ses allures de nombre premier ! D’originale sortie du lot ! Tu parles d’un nom ! Alors c’est la nouvelle mode ? Sortir son originalité d’une succession de chiffres, voilà une drôle de façon de faire émerger sa singularité. A moins qu’elle ne lui fasse le coup du : « nous ne sommes que parties d’un tout, mon chéri, il faut savoir se confondre avec le  grand Un ». Quand il est revenu de la première visite, Paul m’a parlé voyage, respect de la nature, beauté… Pour qui elle se prend ? Pour la grande baroudeuse ? La sainte de l’environnement ? La pro de l’élégance ? Elle lui fait croire qu’elle est « un espace » qui peut parcourir le monde… une garce, comme les autres, malgré ses propos philosophico-spiritualistes.


              Dire que Paul, bac + 12, la sensibilité alliée à l’intelligence, un physique généreux d’ancien athlète des piscines, se laisse conduire comme un petit garçon ! On aura pourtant parcouru ensemble vingt ans de vie commune.
Moi aussi, je peux faire des choses très bien ! Aller loin penser haut frémir fort ! Et avec deux pieds, pas plus ! Et pas de silicone pas de membre ni d’organe sous le joug de l’électronique, JE suis un corps, un cœur, de la chair ! On ne m’étalonne pas en soupapes et pistons, moi. Je suis plus qu’une visite à un contrôle technique. Et si j’explose, c’est d’émotion.
Qu’il se la garde sa masse de tôle gonflée aux hydrocarbures.


              Moi, je vais me conduire à pied sur les chemins de saint Jacques de Compostelle. L’espace, la nature, le rêve. Le marathon de la sérénité. Et peut-être même en plus l’éclaircissement : un divorce !
Et s’il vient me chercher en Espagne avec sa voiture de rêve parce qu’il a peur de ses résultats de cholestérol et de sa consommation d’essence, je leur éclate le capot à tous les deux.

vendredi 10 mai 2013

Jouer, un divertissement ?



                     Jouer est la première activité non vitale de l'existence. Jouer est un plaisir enfantin, sans limite ni double sens. L'enfant s'invente 807 vies, 807 personnages. Il apprend en s'amusant. 


                    Et puis l'enfant grandit et le jeu se pervertit. Jouer à la guerre pour tenir l'autre en joue. Jouer à l'amour pour tenir un autre sous son joug. Se jouer des autres pour dominer. Jouer n'est plus une activité de plaisir, le but du jeu, du je, mais le moyen de parvenir à quelque chose, rien ou n'importe quoi, le moyen de devenir quelqu'un, personne ou n'importe qui. Jouer au casino pour gagner facilement de l'argent ; jouer à pile ou face pour ne plus décider ; jouer, même faux, la mélodie du bonheur ça assourdit l'ennui et couvre le malheur. 


                     L'adulte ne construit plus son « je » par le jeu, mais se perd dans un personnage abusant de gadgets, jouets supposés jouissifs mais suintant le conformisme. L'adulte se déconstruit en jouant à être comme les autres.