jeudi 3 octobre 2013

La ville

                     Elle est située loin de notre Terre, sur une planète inconnue. Mais y habitent néanmoins 807 terriens. La Ville y prend toute la place. Elle est en hauteur, en terrasses et en espaliers formant un tout étrange et tarabiscoté. Le manque d’espace est flagrant. Y règne le régime de l’auto-gestion. Chacun, à son tour de rôle, y compris les enfants, endosse les fonctions de maire, de membres du conseil municipal, de professeurs, de gens d’armes, de gardiens de la paix…Une ville paisible faite d’harmonie et de sérénité.


                 A chaque strate, on trouve invariablement, toujours 807 maisons d’habitation. J’en choisirais une, plus singulière que d’autres : elle est construite comme une pyramide. Plusieurs pièces en enfilade au rez de chaussée et au fur et à mesure que l’on monte, l’espace se fait plus restreint. A la pointe extrême, tout en haut, on y trouve une pièce minuscule, mansardée. Le plus curieux, le plus symbolique de cette maison est la composition de ses 807 murs : ils sont faits en papier plus exactement en 807 livres ! Toutes tailles de livres assemblés en quinconce : albums en bas des murs et livres de poche en haut.


             Dans la pièce minuscule tout en haut, la mansardée, vit une femme seule, une femme-écrivain. Elle a trente ans et écrit des contes. Les livres de Perria elle - même sont les murs de son bureau. Construire les murs avec ses livres et ceci en plusieurs épaisseurs était la seule solution pour laisser un peu de place dans la pièce. Ses 807 contes sont célèbres dans le monde entier mais Perria vit cloîtrée, dans son monde et dans son bureau, refuge et cocon .


                 Un voyageur entre dans la ville. Il est déjà venu. C’est un vieil homme, encore vif et alerte. Il a gardé, près de son cœur, une adresse sur un bout de papier. Un prénom et une adresse. Le voyageur se sent poussé à revenir dans cette ville même si les 807 raisons qui l’ont poussé sont floues .
Il marche dans la Ville. Il se trouve, au tournant d’une rue, devant un portail qu’il reconnaît tout de suite : sa maison est là devant lui, exactement la même gardée au fin fond de sa mémoire. Son cœur bat à tout rompre, ses jambes flageolent et d’aigres gouttes de sueur perlent sur son front.
Il doit savoir.
Il gravit les 807 escaliers.
Il frappe à la porte de la chambre mansardée, au dernier étage.
« Entre. Je sais que c’est toi».
Il s’exécute. Pierra , debout et penchée sur son écritoire, est de dos et continue à écrire.
« Je t’attends depuis longtemps. Bonjour, Papa, faisons enfin connaissance…. »


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