mardi 28 janvier 2014

Diable au corps

             Cette nuit, frappé par de furieuses brûlures d’estomac, j’ai crié : « Si le Tabasco n’existait pas ! ». Des marins bourrés ne feraient pas tomber la foudre de leur brûle-gueule sur le bec d’un pauvre albatros venu reposer ses lourdes ailes sur le pont d’un rafiot de contrebande. Les inflammations hémorroïdaires ne nécessiteraient pas les bons soins de la « Préparation H » qui ne ferait pas éclore le souvenir d’une arme atomique à l’effet d’une bombe dans l’imaginaire collectif. De plus, cet orviétan ne ressemblerait pas à la dénomination savante d’un traitement pour psychotique — en association avec des décharges électriques — administré par le Dr Charcot, lors de ses longues nuits dans les couloirs de la Salpêtrière..

         Le piment irait tremper sa queue ailleurs qu’au sein d’une mignardise exhalant ses vapeurs propres à donner le rouge aux joues et le feu au corps — potion magique d’usage chez les satanistes pour cicatriser les ulcérations du palais, et autres aphtes térébrants qui se logent dans la cavité buccale —, sous le règne de la torture. L’estomac serait préservé du grand incendie, des lanières ignées de ce martinet, car partout où le piment passe, la digestion s'arrête, même l’herbe ne repousse plus sur les terres du milieu qui étendent leurs champs viscéraux entre le foie et le pancréas.

          Ainsi, l’haleine calcinée du diable quitterait le corps du sujet qui pourrait sucer des glaçons sans contrefaçon, car il est un garçon. En outre, les langues de vipère, les boutefeux, les propagateurs de discours fumeux, les défenseurs du dragon de Komodo et les amis du feu-follet disparaîtraient du globe sous un manteau de neige carbonique et les jets d’eau-de-vie d'une fontaine de jouvence ! Si le Tabasco n’existait pas, le peuple aurait des nuits plus calmes, du baume de cœur, des douceurs d’élixir à partager sous la couette.
 
         Le Tabasco ne purifie pas l’organisme, il envenime les sens.

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