mercredi 24 septembre 2014

fragment

Elle détourna à peine son regard de la glace et plongea ses pensées sur le carrelage blanc au-dessus du lavabo. Déjà gamine elle s’évadait dans la salle de bain, seul endroit de la maison où on lui foutait la paix. Elle avait rencontré le type au Terminus de la gare de Lyon, pas vraiment son genre mais gentil, elle n’avait pas pris son train. Ce matin, il ne restait de l’homme qu’une douceâtre odeur de sperme. Cécile sourit, c’était toujours la même histoire, son corps long et androgyne plaisait aux amants occasionnels.

807 jours qu’elle n’avait plus de nouvelle de Franck. Dans son souvenir, il continuait à ressembler à l’homme avec qui on a envie d’avoir des gosses et tout le tralala. Seulement voilà, il s’était barré avec une autre, pas vraiment jolie mais la classe, une méchante claque qu’elle s’était prise.

La vie avait été plutôt clémente avec elle, si elle avait manqué parfois d’un peu d’argent sa famille avait toujours répondu présent en échange d’un peu de temps passé ensemble. Donnant, donnant, n’est-ce pas ainsi que les choses fonctionnent ?

Dans le wagon qui la ramenait à Rouen, un couple la cinquantaine riait entre deux baisers impudiques, elle n’osait pas les regarder, la gêne ou un truc qui y ressemble. Elle alla se réfugier dans les toilettes. Assise sur la cuvette, bercée par le roulis, elle ouvrit son opinel. Le reflet que lui renvoyait la glace abimée n’était plus elle, elle, elle flottait au dessus d’un lac de sang. 

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