mercredi 22 octobre 2014

Alleluia Salem Mathu

     - Tu vas chez Salem ? m’avait demandé Rachel.
Pour son anniv’, lui dis-je en forme de réponse.
Ben ouais, quoi, tu sais bien, il nous a invités avec sa bande de potes il y a déjà plus d’un mois.
Ses potes, je les kiffais pas trop. Un groupe d’allumés qui fumaient l’encens et chantaient  « Alleluia » à tout bout de champ. 
Fais un effort, quoi. C’est pas tous les jours qu’on lui fête, son anniv’.


J’ai vaguement promis, tout en sachant que je m’empresserais de penser à autre chose.  J’ai repris mon chemin en sifflotant. J’avais trente-deux euros en poche, ce qui ne m’était pas arrivé depuis au moins une quinzaine, et je me promettais d’en faire bon usage. Ben, croyez-moi si vous voulez, ils ont filé à des conneries. Des clopes, d’abord, puis une canette de bière. Il me restait que douze euros, après. J’ai eu envie d’aller au ciné. Ils donnaient les Dix Commandements. C’est pas mal, ce film. Et puis la salle est chauffée. 


     En sortant d’là, v’là t-il pas que je tombe sur Rachel. Parlez d’un manque de bol ! Elle m’a rebassinné avec la teuf chez Salem. Elle aime l’encens, elle. Pas mèche ! Rien à faire pour me défiler. Elle m’a pas lâché d’une semelle. Je l’ai suivie, contraint et forcé, jusqu’à la maison de notre pote. Sur la boîte aux lettres, y avait écrit : Salem Mathu. 


     On est entré, et s’y trouvaient déjà des emplumés coiffés de kippas pas nettes. On s’embrassait comme du bon pain azyme, of course. Moi, j’avais pas osé l’avouer, à ces fanas du Pentateuque que j’y croyais plus vraiment, à leurs salades. Et j’te bisouille par ci, et j’te bénis par là, des sacrés bêtes à bon dieu, ceux-là. Y avait bien des gerces, mais elles veulent rien faire avec ceux qui sont pas coupés. Salem, on est copains depuis des lustres. Dans le temps, il faisait moins chier son monde avec ses salamalecs, son chandelier et sa bouffe casher. Il est tombé sur des mecs et des gerces complètement siphonnés qui lui ont bourré le mou avec les histoires de Noé, de Moïse et d’Abraham. Des tarés, j’vous dis. Je m’emmouscaillais ferme quand une nana, l’air plus givrée que les autres, s’est mise à beugler :
- Salem ! Salem, Mathu Salem ! Bon anniversaire.
- Ça te fait combien, a demandé un vieux kroumir.
- Ben tu sais bien, l’an passé, j’ai fêté mes huit cent six ans.

Alors là, j’ai mis les bouts.

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