lundi 6 octobre 2014

ni celui-là




    Si ce n'est une nouvelle dégringolade de température, elles comptent rejoindre l'avion avant l'aube. Depuis que le vin dans la bouteille a gelé, elles consultent à tout instant leur thermomètre de poche sur le chemin de l'aérodrome. Parsemé de poussières gelées, le vent souffle avec plus de force, son crépitement râpeux est brusquement recouvert par un cri.
- Halte ! Qui va là ?


    807 corps allongés sur la neige. Lueur de désespoir. Lueur bleutée des phares de l'avion perçant la brume. Brume morbide dans mes neurones. C'était moi cette voix ? Je crois que je perds la boule à neige. Je m'approche d'une des réprouvées, m'agenouille, soulève la capuche qui recouvre ses yeux. Happé parle vide, j'entends son regard salé me dévaster. Mais, ce ne serait pas elle ? Si, je la reconnais ! Mon sang coule sur la peau jaunie qui a bercé mon enfance, je la rejoins ; elles ne prendront pas l'avion avant l'aube en fin de compte.



    Une lueur orangée émerge de la chape nocturne. L'aurore transperce tant bien que mal les nuages d'orage, dialoguant avec les éclairs qui déchirent le lointain. Une silhouette vient vers nous. C'est une personne plus grande que la moyenne, portant visiblement un képi, une parka et une démarche assurée. Comment a-t-elle su que c'est ici que ça s'était passé ? Soudain je comprends tout : quel idiot ai-je fait ! Je n'aurais jamais dû utiliser la radio. Le canon d'un fusil braqué sur moi : je suis le 808e.


    J'étais déjà frigorifié, une glaciation épuisante transperce mes pieds, mes mains, ma respiration gèle mes poumons. Une forte odeur de poudre : on m'enfonce l'engin du diable jusqu'à la glotte. Ma main se lève, remue, elle comprend que je suis prêt à avouer et retire l'arme. Syllabe après syllabe, j'expire le sens des mots qui m'ôtent le sang au fil de mes soupirs.

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